Eugene Istomin considérait que dans un concerto c’est la conception du soliste qui doit prévaloir, un principe qui était volontiers accepté par tous les grands chefs de l’ancienne génération sous la direction desquels il a joué : Eugene Ormandy, Pablo Casals, Leopold Stokowski, Paul Paray, Fritz Reiner, Charles Munch, Bruno Walter, Pierre Monteux…
« J’ai eu le privilège de faire de la musique avec quelques-uns des plus grands chefs de l’ancienne génération. Je considère d’ailleurs que les Toscanini, les Bruno Walter, les George Szell … sont beaucoup plus grands que les chefs actuels, même s’il y a bien sûr de bons chefs aujourd’hui. Pour se comprendre, un chef d’orchestre et un soliste n’ont pas besoin de mots. Soit on s’entend sur la musique, soit, de façon très professionnelle, puisqu’il y a un concert à donner, on fait un compromis pour pouvoir jouer ensemble. Normalement un chef doit s’incliner, parce que le soliste a des réflexes, il s’est entraîné à jouer d’une certaine façon, il lui est difficile de changer. Un chef, lui, n’est pas prisonnier de ses muscles, il lui suffit de donner des signes à l’orchestre, il peut être beaucoup plus flexible. C’est le soliste qui doit avoir le dernier mot. Après une expérience musicalement difficile, le chef peut évidemment dire qu’il ne veut plus faire de la musique avec ce soliste, mais le concert demande une entente et c’est le chef qui doit faire le plus de compromis.
De nombreux chefs ont beaucoup compté dans ma carrière et dans ma vie. En premier lieu Eugene Ormandy, avec qui j’ai enregistré la plupart de mes disques de concertos. L’Orchestre de Philadelphie était le meilleur orchestre du monde dans les années 50 et 60, et Ormandy était un grandissime accompagnateur. George Szell était plus difficile mais c’était un géant de la musique. Je me suis disputé avec lui, très souvent, mais je garde une grande affection pour lui, un amour même, car c’était un grand, grand artiste ; j’ai beaucoup de souvenirs de mes collaborations avec lui. Fritz Reiner était merveilleux, il avait la réputation d’être très difficile, mais il était très sympathique avec moi, et avec les jeunes. Munch était un grand ami, j’ai donné beaucoup de concerts avec lui à Boston, il pouvait faire des choses extraordinaires ! J’ai aussi beaucoup admiré Paul Paray, une personne généreuse, qui m’a fait venir pour la première fois en France. Bruno Walter bien sûr, qui m’a fait l’honneur d’enregistrer avec moi l’un des deux seuls concertos pour piano qu’il ait jamais enregistré ! Il me faudrait encore en mentionner beaucoup d’autres : Leopold Stokowski, Dimitri Mitropoulos, William Steinberg, que je considère presque au même niveau que Szell et Ormandy, Leonard Bernstein, avec lequel je n’ai pas finalement donné tant de concerts, mais pour lequel j’ai une énorme estime, sans oublier Casals, qui est la personne avec laquelle j’avais la plus grande satisfaction à faire de la musique, sous n’importe quelle forme. »
« Je n’oublie pas que je dois ma carrière à tous ces grands chefs d’orchestre, qui m’ont fait confiance, qui m’ont reconnu comme un des leurs, qui m’ont réengagé même lorsque les critiques me démolissaient. Ils croyaient en moi, avaient plaisir à me diriger, et cela seul comptait. Parmi eux, Artur Rodzinski a été mon premier soutien, et le plus engagé de tous. Non seulement il m’a engagé à plusieurs reprises avec l’Orchestre Philharmonique de New York mais il a pris l’initiative d’écrire à ses collègues des grands orchestres américains pour leur recommander de m’inviter ! »
(Propos recueillis par Bernard Meillat, 1987)
D’autres chefs d’orchestre avec lesquels Eugene Istomin a joué : Kazuyoshi Akiyama, Gerd Albrecht, Takashi Asahina, Franco Autori, Alan Balter, Arturo Basile, Rudolf Baumgartner, Peter Bay, Philippe Bender, Roberto Benzi, Mario Bernardi, Gary Bertini, Theodore Bloomsfield, Victoria Bond, Anshel Brusilow, Emerson Buckley, Richard Buckley, Semyon Bychkov, Paul Capolongo, Miltiades Caridis, Jean-Claude Casadesus, Saul Caston, Aldo Ceccato, Maxime Chostakovitch, André Cluytens, James Conlon, Josif Conta, Désiré Defauw, Paul Lustig Dunkel, Robert Emile, Peter Eros, Vladimir Fedosseiev, Victor Feldbrill, Lukas Foss, Lawrence Foster, Paul Freeman, Massimo Freccia, William Fred Scott, Rafael Frübeck de Burgos, Piero Gamba, John Gosling, Morton Gould, Philipp Greenberg, Manos Hadjidakis, Bruce Hangen, Walter Hendl, Luis Herrera de la Fuente, Bernard Heinze, Alexander Hillsberg, Yun-Taik Hong, Isaiah Jackson, Arvid Jansons, Donald Johanos, Samuel Jones, Arpad Joo, Paul Katz, Brad Keimach, Hans Kindler, Leon Kirchner, Bernhard Klee, André Kostelanetz, Emmanuel Krivine, Efrem Kurtz, Siegfried Landau, Louis Lane, Daniel Lewis, Jesus Lopez Cobos, Lorin Maazel, Charles Mackerras, Ernest MacMillan, Nikolaï Malko, Igor Markevitch, Neville Marriner, Eduardo Mata, Howard Mitchell Claude Monteux, Sheldon Morgenstern, Hans Münch, Gunter Neuhold, James Paul, Seiji Ozawa, Maurice Peress, André Previn, Jean-Pierre Rampal, Karl Anton Rickenbacher, Janos Rolla, Antoni Ros-Marba, Hans Rosbaud, Joseph Rosenstock, Julius Rudel, Max Rudolf, George Schick, Gunther Schuller, Jeremy Schulman, George Sebastian, Uri Segal, Klauspeter Seibel, Edgar Seipenbusch, Robert Shaw, Leonard Slatkin, Alexander Smallens, Georg Solti, Henry Sopkin, Donald Spieth, Russell Stanger, David Stern, Michael Stern, Simon Streatfeild, Hans Swarowsky, Ken Takaseki, Michael Tilson-Thomas, André Vandernoot, Edouard Van Remoortel, Frederick Waldman, Alfred Wallenstein, Akeo Watanabe, Otto-Werner Mueller, Hans Zanotelli, Ottavio Ziino…