
Richard Danielpour, Lowell Lieberman, Milton Babbitt, Eugene Istomin, Ned Rorem, Ellen Taafe Zwilich, George Perle
Pour ses Grandes Conversations en Musique, Eugene Istomin avait réuni à la Library of Congress six compositeurs de générations et d’esthétiques très différentes : Milton Babbitt, Richard Danielpour, Lowell Lieberman, George Perle, Ned Rorem, Ellen Taafe Zwilich.
La discussion fut à la fois très cordiale et très animée, avec une grande qualité d’écoute et un sentiment d’inquiétude partagée sur l’avenir de la création musicale. On peut assister au débat grâce à l’enregistrement vidéo qui est accessible sur le site de la Library of Congress : https://www.loc.gov/item/ihas.200031103
Voici les dix questions qu’Istomin avait préparées.
- Les racines. Êtes-vous d’accord pour dire que les racines européennes sont fondamentales dans notre culture, pas seulement en musique classique, mais aussi en pop music, en jazz et en folk music ?
- Le compositeur. Qu’est-ce qui vous a décidé à devenir compositeur ? Pour qui écrivez-vous votre musique ?
- Les chefs-d’œuvre du 20ème siècle. Quelles sont pour vous les six œuvres les plus importantes composées depuis le début du 20ème siècle ?
- Apprécier des œuvres différentes. Pli selon Pli de Boulez, écrit sur des textes de Stéphane Mallarmé, La Voix humaine de Poulenc, Chichester Psalms de Bernstein : peut-on accorder à des œuvres aussi différentes une même importance ?
- Programmation éclectique. Stravinsky a commenté en ces termes un programme de Gary Graffman qui associait sa Sérénade en la avec la belle Etude-tableau en mi bémol majeur de Rachmaninov : « Oh Quel merveilleux voisinage pour moi ! » Comment voulez-vous que votre musique soit présentée à vos auditeurs ? Est-ce que des programmes éclectiques comme celui de Graffman vous dérangent ?
- Les interprètes. En ce qui concerne les interprètes, Ned Rorem a dit un jour : « Les grands instrumentistes et les grands chanteurs ont une personnalité unique, indélébile ». On ne peut pas faire que Billie Holiday ne soit pas Billie Holiday ! Que Frank Sinatra ne soit pas Sinatra ! Que Casals ne soit pas Casals! Que Horowitz ne soit pas Horowitz! Moi j’en ai la certitude, mais vous, compositeurs, qu’en pensez-vous ? Quelles conséquences en tirez-vous pour l’interprétation de votre propre musique ? Quelles qualités demandez-vous à vos interprètes ?
- L’accessibilité. Pourquoi les nouvelles compositions de pop music sont-elles acceptées instantanément par le public ? Pourquoi les nouvelles œuvres de musique sérieuse sont-elles pour la plupart inaccessibles, même pour les mélomanes, à l’exception d’un petit groupe de mordus ? Où placez-vous la musique minimaliste ?
- Langage et tonalité. Picasso dit un jour : « Pour comprendre les Chinois, il faut apprendre leur langue. Le Cubisme est une façon de regarder. Il faut l’apprendre aussi. » L’analogie de Picasso s’applique-t-elle à l’atonalité et à la musique sérielle ? Avons-nous besoin d’être d’une initiation pour trouver du plaisir et de l’émotion chez Beethoven, chez Brahms, ou dans les symphonies de Tchaïkovsky ? Et pour la Symphonie en ut de Stravinsky et Erwartung de Schönberg ?
- La musique expérimentale. Qu’est-ce que la musique expérimentale ? Quelles œuvres sont de l’expérimentation ? Quelles œuvres sont de l’art?
- L’avant-garde. La recherche systématique de la nouveauté ne rend-elle pas très vite les œuvres obsolètes, et ne pousse-t-elle pas l’avant-garde à être dépassée avant d’avoir été d’actualité ?