Son oreille ayant été éveillée par l’écoute du chant de ses parents, Istomin se trouva toujours très attiré par les instruments à cordes, les plus proches de la voix humaine. Lorsqu’il mentionne les musiciens qui l’ont inspiré, il cite presqu’autant de violonistes et de violoncellistes que de pianistes. Voilà ce qu’il dit de Heifetz : « C’est un génie de l’interprétation, c’est le plus grand miracle instrumental que j’aie connu. Plus grand que n’importe quel pianiste ! Il a eu une influence énorme, considérable sur moi. C’était presque une obsession pour moi à une certaine époque. Aussi important pour moi que les chanteurs. »
Cette capacité rare lui valut d’être apprécié et soutenu par de grands violonistes et violoncellistes, parmi ses contemporains mais aussi ses aînés. Adolf Busch avait été un de ses partisans dans le jury du Concours Leventritt 1943 et il l’engagea aussitôt comme soliste pour deux grandes tournées avec le Little Orchestra. Pablo Casals le reçut d’emblée comme un élu et déclara que s’il devait reprendre sa carrière, c’est avec lui qu’il jouerait. Privilège unique. Ces deux géants de la musique l’initièrent à la musique de chambre.
Un autre grand violoniste était présent lorsqu’Istomin fit ses débuts avec l’Orchestre Philharmonique de New York : Bronislaw Huberman. En 1896, alors qu’il avait tout juste treize ans, Huberman avait joué le Concerto pour violon de Brahms devant le compositeur qui, d’abord sceptique devant un si jeune musicien, s’enthousiasma. Il recopia pour lui les quatre premières mesures, avec cette dédicace : « En affectueux souvenir d’un auditeur comblé de joie et reconnaissant ». Après avoir entendu Istomin jouer le Deuxième Concerto de Brahms, il lui déclara : « Jeune homme, j’ai joué le Concerto pour violon de Brahms pour Brahms lui-même, et je peux vous assurer que ce soir il aurait été très heureux ! »